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Goddin Books

La Troisième Fille (les mystères de Molly Sutton 1)

La Troisième Fille (les mystères de Molly Sutton 1)

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mystère léger

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La Bostonienne Molly Sutton s'installe dans un village en France pour se reconstruire après un divorce – mais voilà qu'une jeune fille disparaît. Suivez cette expatriée intrépide alors qu'elle dévoile des secrets et traque des meurtriers dans le charmant village de Castillac, tout en dégustant quelques pâtisseries au passage.

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2005

Elle était ridicule, sans aucun doute. Certes, cela faisait des années qu’elle n’avait pas étudié le français et elle n’avait pas vraiment été une élève brillante. Mais ayant déménagé à Castillac seulement trois jours auparavant, elle pouvait surement se débrouiller suffisamment bien pour acheter une pâtisserie à déguster avec son café de l’après-midi. Les magasins étaient là pour vendre leurs produits, pas pour juger son accent, n’est-ce pas ? Restée sur cette idée, Molly Sutton enfila un tout nouveau chapeau Panama sur ses boucles rebelles et descendit sa petite allée pour se diriger vers le village, déterminée à obtenir son premier éclair.

Trois jours n’avaient pas suffi pour apprendre à se repérer dans le dédale des ruelles étroites, mais Molly avait un bon sens de l’orientation, et elle vivait l’un de ces moments d’euphorie que les expatriés ressentent parfois lorsqu’ils ne sont pas aux prises avec la bureaucratie de leur pays d’adoption ou qu’ils ne découvrent pas qu’ils viennent de manger quelque chose comme une tourte à l’alouette. La pierre calcaire dorée des bâtiments était chaude et plaisante. C’était la fin de l’été, mais l’air n’était pas frais, et elle gardait un rythme soutenu, scrutant les fenêtres et les arrière-cours, s’imprégnant de tout. Elle n’avait aucune idée d’où trouver une pâtisserie, mais se dirigeait vers le centre du village. 

C’était intéressant de voir comment tout le monde semblait étendre leurs sous-vêtements sur le fil à linge. « Ne sèchent-ils pas dur comme du carton », se demanda-t-elle. Elle s’arrêta au mur de pierre du jardin d’une maison, montant sur un rocher pour voir par-dessus. Des vêtements étaient suspendus sur le fil à linge, dansant plutôt gaiment dans la brise. Elle était tentée de tendre le bras pour toucher une paire de ces culottes qui semblaient chères pour voir à quel point elles étaient douces, mais peut-être que s’introduire chez quelqu’un pour toucher les sous-vêtements du voisin ne ferait pas la meilleure des premières impressions.

Elle vit que les sous-vêtements venaient de La Perla. Doux, bien coupés, très chers, et probablement valant chaque centime, songea-t-elle. Je pense que si j’avais des sous-vêtements aussi beaux, je ne les suspendrais pas en plein soleil. Ils méritent au moins un lavage à la main et devraient être, je l’imagine, séchés par le battement d’ailes de colibris ou quelque chose comme ça.

Molly se tenait au mur, regardant les trois bikinis et un caraco, soigneusement accrochés avec des pinces à linge en bois. La ruelle était si calme. Aucun bruit, sauf le bourdonnement constant des cigales. Elle regarda autour d’elle pour voir si quelqu’un était là et se pencha lentement contre le mur, tendant les doigts vers un ensemble de Bikinis avec un cordon rose qui remontait.

Quelqu’un cria quelque chose qu’elle ne comprit pas. Molly retira brusquement sa main et regarda autour d’elle pour voir qui avait parlé. L’homme d’à côté était entré dans son jardin et parlait à son voisin par-dessus la clôture entre leurs maisons.

Rapidement, elle baissa la tête et trottina au prochain tournant. Une rue commerciale se trouvait juste en face. Une foule de gens faisaient des courses, prenaient des petits cafés de milieu de matinée, et bavardaient avec les voisins. Molly déambulait en observant les formes inhabituelles des toits, les enseignes dans les vitrines ; en écoutant le français sans saisir un seul mot ; en sentant le poulet rôti dont l’odeur était si bonne qu’elle lui donnait les larmes aux yeux. 

Tout était différent de ce à quoi elle était habituée, et elle aimait tout, ne serait-ce que pour cela.

La rue tournait vers la droite, et puis juste devant, se trouvait une grande fontaine. Plusieurs étudiants de l’école d’art étaient perchés sur le rebord avec des planches à dessin et des expressions sérieuses pendant qu’ils esquissaient. Molly s’approcha et s’assit sur le rebord, observant les gens jusqu’à ce qu’elle se souvienne de l’éclair et qu’elle parte à la recherche d’une pâtisserie avec sérieux. Elle avait beaucoup de travail à faire ; le gite sur sa propriété était loin d’être prêt pour les invités, et elle avait sa première réservation dans quelques jours. Elle aurait dû acheter des draps et des oreillers, et donner un bon coup de balai au lieu de se promener à la recherche de sucreries. Mais elle se sentait permissive : après les deux années passées, elle était en France à la recherche de plaisir et de calme. Et elle se régalerait, savourant chaque délicieux moment.

« Ahh. Oui. »

Elle se retrouva devant une petite boutique, l’extérieur peint en émail rouge, avec des lettres dorées au-dessus de la porte dans une écriture fleurie : Pâtisserie Bujold. L’odeur de beurre et de vanille l’a pratiquement tiré vers l’intérieur.

— Bonjour, madame, dit un petit homme derrière le comptoir.

— Bonjour, monsieur, dit Molly, les yeux écarquillés.

Sous la vitrine, rangée après rangée de pâtisseries si belles qu’elles ressemblaient à des bijoux. Des bijoux délectables et alléchants, disposés par un véritable artiste, ordonnés par couleur et symétriques comme un parterre de fleurs. Devait-elle opter pour le millefeuille, avec ses innombrables couches de pâte croustillante fourrées de crème pâtissière et son glaçage tourbillonnant sur le dessus ? Elle se pencha en avant, pressant presque son nez contre la vitre. Les tartes aux fraises avaient l’air incroyables, mais les baies n’étaient plus de saison et n’avaient probablement pas aussi bon gout qu’elles en avaient l’air. Le chou à la crème avec sa crème fouettée qui débordait l’appelait. Mais elle avait tellement rêvé d’un éclair…

— Madame ?

Molly sortit d’une sorte de transe. Elle prit une profonde inspiration et puisa du courage.

— Les pâtisseries, elles jolies, dit-elle, grimaçant à son horrible français.

L’homme sourit et sortit de derrière le comptoir. Ses yeux allèrent directement à sa poitrine et s’y attardèrent. Molly soupira.

Puis, si rapidement que cela frôla l’impolitesse, elle fit son choix, paya et quitta la boutique avec un petit sac ciré et un sourire idiot sur le visage.

Elle était à Castillac, sa nouvelle maison, sur le point de manger son premier véritable éclair français depuis près de vingt ans.

Je suis enfin là. Enfin en France, pour de bon.


* * *


— Oui, mademoiselle, que puis-je faire pour vous ? demanda Thérèse Perrault, qui n’avait rejoint la minuscule force de police de Castillac que depuis quelques mois.

— C’est, eh bien, je suis à Degas, dit la jeune femme, faisant référence à la prestigieuse école d’art du village.

Perrault attendit. Elle était déjà si lasse de ne traiter que des infractions au code de la route et des chiens perdus, qu’elle osait à peine espérer que cet appel se transforme en quelque chose de plus intrigant.

— Ma colocataire est… elle a disparu. Je ne l’ai pas vue depuis hier, je commence à m’inquiéter.

— Puis-je vous demander votre nom ?

— Maribeth Donnelly.

— Américaine ?

— Oui.

— Et le nom de votre colocataire ?

— Elle s’appelle Amy Bennett. Elle est britannique. Et c’est l’étudiante la plus responsable de toute l’école. C’est pour ça que je suis si inquiète. Elle ne partirait jamais sans rien dire à personne.

Perrault griffonnait des notes, essayant de retranscrire exactement les propos de l’étudiante.

— Je comprends. Avez-vous prévenu quelqu’un à l’école ?

— Je… j’en ai parlé à l’un des professeurs ce matin, le Professeur Gallimard. Elle ne s’est pas présentée à son cours.

— Depuis combien de temps exactement a-t-elle disparu ?

— J’ai diné avec elle hier soir. Ensuite, je suis sortie avec mon petit ami, et elle est retournée à l’atelier pour travailler sur un dessin à rendre. Elle n’est jamais revenue au dortoir, et je ne l’ai pas vue de toute la journée, dit la jeune femme, la voix tremblante.

— Cela ne fait même pas vingt-quatre heures, dit Perrault, d’un ton non pas dédaigneux, mais compatissant.

— J’ai bien peur que la gendarmerie ne recherche activement que les mineurs disparus. Pouvez-vous me dire quel âge a Amy ?

— Elle a dix-neuf ans. Je suis désolée, dit Maribeth.

— Je ne connais pas les procédures concernant les personnes disparues ici. Je suis juste… Je ne veux pas avoir l’air d’une idiote, madame, mais j’ai… j’ai un mauvais pressentiment.

L’officier Perrault lui dit que presque toujours, ces situations finissaient par s’arranger. Elle demanda si Amy avait un petit ami, si elle avait une voiture, si elle avait accès à de l’argent, et elle nota soigneusement les réponses de Maribeth dans son carnet.

Avant d’appeler son patron, le commandant Dufort, sur son portable, Thérèse Perrault prit un moment pour réfléchir à tout ce que Maribeth Donnelly lui avait dit, et pour analyser la voix de la jeune femme dans sa tête. Ce n’était qu’une impression, et elle n’avait pas encore assez d’expérience pour savoir si elle devait se fier à ses impressions, mais Perrault faisait confiance à Maribeth Donnelly, et ne pensait pas qu’elle était idiote ni instable, ni quoi que ce soit d’autre qu’une amie inquiète qui avait une raison légitime de s’inquiéter. Puis rapidement, elle sourit et prit un air contrit, excitée que quelque chose se passât enfin dans le village de Castillac maintenant qu’elle était dans la police, puis elle se sentit coupable de se sentir autant enjouée par la tragédie potentielle de quelqu’un d’autre.

Comme tout le monde dans le village, Perrault était au courant des deux autres femmes qui avaient disparu sans laisser de traces, mais ces affaires remontaient à plusieurs années. La première, Valérie Boutillier, avait en fait été l’une des raisons pour lesquelles Perrault avait poursuivi une carrière dans les forces de l’ordre. Thérèse avait dix-huit ans quand Valérie avait disparu, et bien qu’elle ne l’ait pas connue personnellement, comme c’est souvent le cas à Castillac, elle avait des amis qui la connaissaient, et des membres de sa famille qui connaissaient la famille de Valérie d’une manière ou d’une autre. Perrault avait suivi l’enquête de près et avait essayé de comprendre ce qui s’était passé. Elle y pensait encore de temps en temps, et se demandait si de nouvelles preuves apparaissaient un jour qui permettrait d’identifier le ravisseur de la jeune femme.

Aucun corps n’avait jamais été retrouvé, ni même aucune preuve d’un acte répréhensible. Mais, Thérèse ne doutait pas que quelqu’un avait tué Valérie Boutillier, aucun doute là-dessus.

Valérie n’avait pas été la seule. Et maintenant, il y en avait une autre.

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